Lucie : Je sais que tu viens de la région PACA, qu’est ce qui t’a incité à monter à Paris, comme on dit ?
Grégory Montel : Je suis monté à Paris pour une rupture sentimentale et un besoin de changer d’air. Je vivais à Aix où c’était minuscule, où je risquais de croiser la personne à chaque coin de rue. J’avais 25 ans, j’étais en train de faire mes études de droit et je voulais faire l’institut d’études judiciaires à Paris car c’était à Assas et donc central, je ne me voyais pas aller à Nanterre ou ailleurs. Finalement, je n’ai pas assez travaillé, j’ai fait le Cours Florent à côté et me suis embringué là dedans (…) C’est donc ainsi que j’ai pu concrétiser le rêve qui sommeillait profondément à l’intérieur de moi.
Lucie : Quel a été l’événement déclencheur qui t’a poussé à devenir comédien ?
Grégory Montel : Je fais partie des gens qui très tôt ont compris que quelque chose allait se passer mais pour des raisons familiales, j’ai mis cette idée de côté en poursuivant sagement mes études. Je poursuivais le théâtre de façon aléatoire et j’attendais le déclic. Mais il y a deux vrais déclic : une pièce que je jouais quand j’étais ne 4ème et ça correspondait à peu près au moment où ma mère m’a emmené voir « itinéraire d’un enfant gâté » au cinéma, qui est devenu un film culte pour moi même si a posteriori je me rends compte qu’il est bourré de défauts. C’est avant tout l’histoire de construction d’un homme.
Tout ça est resté dans un coin, je prenais du plaisir dans le droit. Je faisais les choses correctement en me disant que je serai un bon avocat, je voulais être pénaliste pour être quelqu’un qui travaille au prétoire et n’est pas qu’un homme de dossiers, quoique… Puis cette rupture et le mal être qu’elle a engrangé m’ont poussé à faire autre chose.
J’ai eu ma maîtrise de droit en 2001 et c’est après que j’ai décidé de partir à paris et j’ai décidé de m’inscrire au Cours Florent instantanément, tout en passant l’école du barreau. (…)
Lucie : Ta carrière a été boostée par « L’air de rien » puis évidemment 10%, comment parviens-tu à garder la tête froide ? Combien de temps s’est-il passé entre le Cours Florent et ce film ?
Grégory Montel : J’arrive donc à Paris en 2001 et je fais L’air de rien en 2011. Donc il se passe 10 ans entre les deux. Certes, j’ai fait de petites choses, mais je dirais que j’ai vraiment commencé à travailler sur des projets pros en 2007. Donc 6 ans de théâtre non payé avec mes potes. Mais je pense aussi que c’est ce qui m’a forgé et a été mon second déclic : j’ai travaillé avec une compagnie que j’avais monté avec Charif Ghattas qui a écrit une pièce de théâtre un peu particulière qui se déroulait dans une prison. On a décidé de la jouer en fin d’études et ensuite on l’a joué un peu partout en France notamment à Avignon et aux déchargeurs à Paris. On a bien sûr vécu les petites guerres intestines de la famille mais c’était une belle expérience qui a changé pas mal de choses pour moi car en avril, on jouait aux déchargeurs et Dominique Besnehard est venu nous voir et ça m’a permis de rentrer dans son agence, de devenir ami avec lui, et de bénéficier de son aide. Alors évidemment, ça a créé des distorsions au sein du groupe, qui sont normales en réalité. Cela ne nous a pas empêché de continuer à travailler ensemble pour autant.
Lucie : Ce que j’ignorais, c’est que le personnage de Gabriel est inspiré de Dominique Besnehard dans 10%.
Grégory Montel : Oui c’est censé être le cas. Comme Dominique, Gabriel n’est pas forcément intéressé par l’argent, c’est un mec un peu foutraque. Je ne connais pas vraiment Dominique, mais le rôle que je joue est censé être plus interessé par ses acteurs que par le cinéma, même s’il adore le cinéma. Ce sont vraiment les acteurs avant tout. L’absence d’intérêt aussi.
Lucie : Tu as ce côté « gros nounours » aussi, tu les maternes beaucoup tes acteurs dans la série…
Grégory Montel : Je crois que Dominique a fait des choses incroyables pour ses acteurs en effet.
Lucie : Récemment, tu as racheté un cinéma à Dignes les Bains.
Grégory Montel : Le cinéma que j’ai racheté était un lieu qui était fermé et qu’on est en train de transformer en lieu culturel. Tout cela prend forme de manière substantielle grâce aux aides très importantes dont on bénéficie grâce aux collectivités locales et à l’Etat.
Pour promouvoir nos capacités d’organisation, on a créé un festival dont c’était la 3è saison cette année, qui a très bien marché. Il y avait du beau monde, des chanteurs, des comédiens de théâtre, des graffeurs, des artistes contemporains.
Lucie : Le départ de ce projet, c’était de ramener de la culture dans des lieux qui en sont éloignés ?
Grégory Montel : (…) Oui, selon moi il y a quelque chose d’anormal dans ce déséquilibre flagrant entre et le bassin parisien et tout le reste. Il y a un sentiment d’abandon. C’est un mélange de tout ; j’écoutais quelqu’un qui disait qu’on fait quand même les choses pour soi, et moi c’est un projet qui m’excitait énormément de créer un lieu culturel comme ça, mais je ne l’ai pas fait à Dignes pour des mauvaises raisons, c’est avant tout parce que j’y suis attaché, et parce que j’ai vraiment l’impression que ça pourrait participer à un essor.
Lucie : Ça pourrait aussi créer des vocations comme celle que tu as eu toi…
Grégory Montel : Absolument, la culture- même si c’est un mot que je n’aime pas trop, peut servir à ça à un enrichissement personnel, à avoir un déclic, au moins à voir le monde différemment. (…) Moi j’ai eu un contact avec le cinéma d’auteur qui était un peu tardif, c’était Philippe Faucon (réalisateur de Fatima) avec un film qui s’appelle Samia.
Lucie : Et quelle est ton actualité ?
Grégory Montel : J’ai beaucoup tourné au printemps, trois longs métrages : l’adaptation des Chatouilles d’Andréa Bescond, j’ai vu Eric (Métayer) et Andréa qui m’ont donné le rôle du petit ami de cette dernière qui est un personnage assez solaire, il va lui permettre de comprendre que ce qui s’est passé n’est pas normal.
J’ai le rôle principal dans un film de Christophe Le Masne, c’est son premier long métrage et je joue aux côtés d’Olivia Côte, Philippe Rebbot et Lolita Chammah. On joue une fratrie, dont la mère vient de mourir ; mon personnage la voit partout dans la maison familiale et il est en charge par le fantôme de sa maman de régler les problèmes familiaux et de sortir les petits secrets (d’où le titre, notre petit secret). C’est traité comme une comédie, c’est super chouette. Et j’ai tourné dans le 2nd long métrage de Sébastien Marnier (Irréprochable). J’ai un film qui sort dans 15 jours, Diane a les épaules, avec Clothilde Hesme et Fabrizio Rongione. Là dans 15 jours je tourne avec Jacques Maillot un réalisateur qui a fait de très beaux films parmi lesquels Les liens du sang avec Guillaume Canet et François Cluzet. On va tourner ensemble un mois et ensuite je reprends le tournage de 10% en janvier à avril pour sortir probablement à l’automne.
Lucie : Ah oui donc il faut encore patienter un an ?!
Grégory Montel : Oui…
Lucie : Et tu ne peux rien nous dire sur cette nouvelle saison de 10% ?
Grégory Montel : Je n’ai pas encore tout lu, pour le moment on s’est contenté des « arches », ce qui arrive à notre personnage dans les grandes lignes. Le mien va faire des rencontres, il va reprendre sa relation aux Etats-Unis (ou pas). On sait également qu’Andréa est enceinte… Il y a plein de gens qui vont nous rejoindre dans les guests, Isabelle Huppert par exemple. Si jamais elle vient, c’est dingue. (…)
Je vois à quel point cette série est populaire car elle convertit tout le monde et même dans le milieu du cinéma, y compris celui du cinéma d’auteur. Là je viens d’enchaîner deux tournages de films d’auteur purs et durs, par ex, les gens redécouvrent « l’air de rien » qui hélas avait fait peu d’entrées. Dorénavant les gens le découvrent grâce à 10% et n’ont plus de crainte sur ma capacité à faire du cinéma d’auteur bien qu’ils m’aient connu à travers la télévision, ce qui compte beaucoup pour moi.