Quatrième long métrage du réalisateur Raphaël Jacoulot, L’enfant rêvé prend place dans les forêts du Jura ; parmi elles, un couple formé par Noémie (Mélanie Doutey) et François (Jalil Lespert) dirige une scierie. Ensemble depuis de nombreuses années, ils essayent d’avoir un enfant sans y parvenir. L’arrivée de Patricia dans la région (Louise Bourgoin) va non seulement bouleverser les certitudes de François mais aussi toute son existence.
Une passion dévorante doublée d’une quête de paternité
Très rapidement, les personnages de François et Patricia, en couple par ailleurs, se livrent à une relation passionnelle. Ils se retrouvent dans les bois, font l’amour comme jamais ils ne l’ont fait (du moins, c’est l’impression qu’ils donnent). Très rapidement, Patricia tombe enceinte de François ; lui qui nourrissait depuis tant d’années un fort désir de paternité est désormais confronté à une décision radicale : quitter sa compagne Noémie pour assumer cet enfant aux côtés de Patricia.
Evidemment, les choses ne sont jamais aussi simples qu’il n’y paraît et François va peu à peu être rongé face à ses non choix et à une situation de plus en plus intenable. On est aux prises avec le malaise grandissant de ce personnage interprété par Jalil Lespert et bien qu’on lui voue une certaine empathie, son manque de courage peut parfois faire grincer. Pour justifier la difficulté de prendre sa décision : les contours donnés au personnage de Noémie, sa femme interprétée par Mélanie Doutey. Elle incarne une femme forte mais suffisamment à l’aise dans sa vie pour ne rien à avoir à (se) prouver. Certes, elle n’arrive pas à tomber enceinte mais elle est très lucide quant à ses désirs, ses limites et ce qu’elle est ou non prête à endurer pour réaliser son rêve d’être mère.
A ce titre, les trois protagonistes livrent des jeux remarquables même si l’intrigue est centrée autour du personnage de Jalil Lespert car le réalisateur y a mis beaucoup de lui dans le scénario. « Ce qui me guide, c’est avant tout le personnage. C’est comme un miroir, il m’anime et je me projette en lui », explique Raphaël Jacoulot.
Un protagoniste exsangue
Au fil de la narration, François semble à bout de souffle. Tiraillé entre son amour pour Noémie et son désir de paternité (exaucé par Patricia), une fois de plus, il ne parvient pas à faire un choix. De la même manière qu’il n’a pas décidé de sa trajectoire professionnelle : il a repris la scierie familiale pour des raisons de transmission, parce qu’on devine que son père l’y a naturellement amené, mais sans se poser réellement la question d’un ailleurs possible. Or, Patricia incarne cette autre voie, cet ailleurs. Plutôt que d’y voir une porte de sortie, une autre vie possible, François perçoit cette paternité comme un piège ; acculé, l’étau se resserrera peu à peu autour de lui, confronté alors à une situation inextricable.
Une atmosphère particulière
Au sein de ce film plane l’atmosphère de Shining ; pour cause, on bascule progressivement vers le registre du thriller. Les évènements s’enchaînent de façon à devenir totalement incontrôlables. Autant de situations qui échappent à leurs protagonistes; N’y verrait-on pas d’ailleurs des réminiscences de Match Point, de Woody Allen.
La forêt quant à elle incarne un personnage à part entière : elle est de tous les plans ou presque ; François y est enraciné, Noémie aussi. Cette beauté à perte de vue, cette étendue de vert sont autant d’éléments que souhaite transmettre le futur papa à son enfant, comme la prolongation d’un héritage qui est d’abord le sien. Lourd héritage que celui de la famille.