La peur, inventée par Stefan Sweig, envahit le Théâtre Michel depuis quelques semaines déjà. Et si la salle est comble, c’est pour le talent de la mise en scène, du texte et du jeu d’acteur.
La dualité en exergue
Hélène Degy incarne Irène, une femme des années 50 mariée à un brillant avocat (Aliocha Itovich) qui semble s’ennuyer dans son couple. Très rapidement, on s’aperçoit qu’elle a un amant, Edouard, un pianiste qu’elle aime retrouver à l’insu de son époux. Cette petite mécanique marchait parfaitement jusqu’au jour où une femme n’étant nulle autre que celle de son amant, l’aborde soudain dans la rue pour la faire chanter. Ni une ni deux, l’adultère prend fin mais les problèmes d’Irène commencent.
Poursuivie par une épouse en mal d’amour et d’argent, Irène sombre peu à peu dans la folie. Elle qui affichait ses convictions humanistes auprès de son avocat de mari, s’enfonce de plus en plus dans le mensonge, par peur de le perdre. Dualité intéressante que celle de ne pas mettre en pratique les principes que l’on préconise à autrui.
Un jeu d’une force troublante
Trois personnages foulent les planches : l’épouse, le mari et la femme trompée. Tous trois éblouissent par leur jeu. La femme d’Edouard, incarnée par Ophélie Marsaud incarne à la perfection la peur, teintée d’une pointe d’humour salutaire. Le mari, Aliocha Itovich surprend par son flegme et sa voix suave, tantôt séductrice, tantôt autoritaire. Son jeu est parfaitement maîtrisé et on ne peut que le saluer. Celle qui mérite un Molière pour ce rôle que l’on devine difficile, c’est Hélène Degy. Elle se donne corps et âme en incarnant ce personnage qui sombre dans la folie et la paranoïa. Sa voix est grave, son corps est gracile, léger, et tranche avec le lourd poids qui la pèse. Elle nous a ébloui jusqu’aux larmes ce soir là.
Une mise en scène à propos
Elodie Menant signe une mise en scène prodigieuse en faisant du décor un véritable acteur, à part entière. Il accompagne les personnages dans leurs déplacements, leurs tourments aussi. Les décors tournent au gré de leurs gestes, parfois. Cette mise en scène, que l’on voit de plus en plus, semble plus aboutie grâce à l’ingéniosité d’Elodie Menant.
Longue vie à cette pièce et ses acteurs !