A certains égards, Douce amère (écrite par Jean Poiret) peut faire penser à la pièce adaptée par Safy Nebbou, Scènes de la vie conjugale. On assiste à l’érosion d’un couple de 8 ans de cohabitation, sauf qu’à la différence de l’original de Bergman, le couple en question n’a pas d’enfant et affiche une certaine différence d’âge. Pour l’incarner, Michel Fau a pensé à lui-même et Mélanie Doutey.
Douce amère, une réflexion aboutie sur le couple
La situation : Philippe aime Elisabeth qui se lasse de lui. Fort perspicace (et loquace), il décide de manipuler le cours des choses plutôt que de le subir, commentant tout en même temps qu’il agit. C’est ainsi que le mari jettera son épouse dans les bras de son futur amant, Michel. Du moins Philippe le croit-il avant qu’Elisabeth ne rencontre Stéphane… Perdant pied, Philippe se perd aussi en paroles, ne supportant pas que la situation lui échappe. On assiste alors à la reconstruction d’Elisabeth, sans celui qui fut son Pygmalion pendant tant d’années. Pourtant, elle ne semble pas heureuse et sitôt goûtée cette liberté qui lui faisait défaut, elle (s’)étouffe.
Douce amère, des personnages forts
La pièce offre également des personnalités très affirmées. Si Philippe (Michel Fau) tire les ficelles de l’intrigue, les autres personnages n’en demeurent pas moins vifs d’esprit et non dépourvus de libre arbitre. C’est également le cas du personnage de Michel, brillamment joué par Christophe Paou, qui semble dans un premier temps plus mesuré que Philippe, mais qui s’affirme au fur et à mesure de la pièce. Pour autant, il le dit et le déplore, il n’est que ce que Philippe veut qu’il soit. En ce sens, la pièce présente des accents tragiques. Pour Mélanie Doutey, c’est une rôle de femme très interessant de par la variété de la palette de jeu. Elle est tantôt femme lasse, révoltée, abusée, laissée pour compte, dominatrice, dominée. Finalement, c’est peut être ça la véritable liberté : ne pas s’enfermer dans un rôle.
Douce amère, une mise en scène audacieuse
La mise en scène est fort ingénieuse. A travers des décors très luxueux, l’enchainement de situation est fort bien pensé, exploitant pleinement les possibilités offertes par un plateau tournant, comme on le voit beaucoup depuis quelque temps au théâtre (notamment depuis la pièce M`man au Petit Théâtre Saint Martin). C’est paradoxalement dans un décor futuriste que l’intrigue prend place, ancrée dans les années 80.
Douce amère, c’est en somme une découverte intéressante, qui se fera l’écho de nombreuses relations de couple dans la vraie vie, d’ailleurs celle de Jean Poiret et Caroline Cellier en est le parfait exemple.
Aux Bouffes Parisiens jusqu'au dimanche 22 avril 2018