Baby, une plongée en eaux troubles
Wanda et Al (Isabelle Carré et Vincent Deniard) attendent leur 5ème enfant, dans une Louisiane caniculaire des années 90. N’ayant pas les moyens d’assumer financièrement les 4 premiers, Warda se laisse tenter par cette annonce :
Enceinte ? Couple marié, épanoui, cultivé et très à l’aise financièrement veut offrir à un enfant blanc en parfaite santé une vie heureuse. Différentes formes d’aides envisageables. Appeler en PCV.
Réticent dans un premier temps, son mari, Al finit par se laisser convaincre, acculé par leurs difficultés financières.
Baby, une lutte des classes manifeste
Vient la rencontre entre le couplé formé par Wanda et Al et Rachel (Camille Jappy), la future mère du bébé. Dans un premier temps, elle vient seule rendre visite à celle qui porte son bébé mais on sent tout le poids (financier) de son mari, Richard. Très ancré dans les clichés raciaux et religieux, on plonge en Amérique profonde, là où les Noirs sont mis à l’index, et les Juifs, forcément riches.
La scène inaugurale entre les deux jeunes femmes est tout à fait savoureuse. On sent tout le fossé culturel qui les sépare. La différence de milieu social transparaît à chaque réplique, à chaque réaction. Cette scène est selon moi, la plus divertissante de la pièce.
Baby, du drame sans pathos
Lorsqu’il s’agit d’une gestation pour autrui (exprimé dans nos termes actuels), le drame est à portée de mains. Si Baby décrit une situation assez tragique, on ne tombe jamais dans le pathos. On ressent un malaise car on est tantôt en empathie avec le couple Wanda/Al, tantôt avec Rachel (à l’avant dernière scène de la pièce). Néanmoins, les larmes ne montent pas forcément aux yeux, la limite ayant été posée pour éviter tout excès pathétique. C’est probablement ce qui confère à la pièce toute sa singularité.
Baby, des acteurs remarquables
Isabelle Carré incarnant Wanda est absolument bouleversante : on ne peut être qu’en empathie avec cette jeune femme qui aime l’enfant qu’elle porte mais qui n’a pas d’autre choix que l’abandonner en le vendant à ce couple qui ne peut en avoir joué par Bruno Solo et Camille Jappy. Cette dernière est très convaincante dans son rôle et on est également en empathie avec elle, tant elle est touchante. Jamais on ne l’imagine comme la grande méchante qui viendra voler l’enfant du couple prolétaire. Que dire de Vincent Deniard qui entre en scène avec une chanson guitare/voix à vous coller le frisson ? Il est prodigieux dans le rôle de cet homme tout en muscle mais complètement impuissant face cette situation qui le dépasse, tout en essayant de rester digne. Enfin, l’avocat interprété par Cyril Couton est sans doute le personnage le plus cynique de la pièce, mais aussi le plus truculent. Son absence totale d’empathie apporte une touche de légèreté, salutaire.
N’hésitez pas un seul instant pour aller voir Baby.
» BABY » FRANCE 2 from CinéWatt on Vimeo.