Après Les gardiennes, Xavier Beauvois réalise un film riche, aux sujets multiples : le travail de la gendarmerie, la crise des agriculteurs, les liens d’un couple. Albatros, c’est aussi la trajectoire d’un homme rongé par la culpabilité.

Albatros ou le calme intérieur avant la tempête

Albatros met en scène le quotidien d’une brigade de gendarmerie à Fécamp. Laurent (Jérémie Rénier), Quentin (Victor Belmondo), Carole (Iris Bry, rôle titre des Gardiennes), trois collègues confrontés aux suicides du haut des falaises d’Etretat (le contraste évident avec les mariages qui s’y déroulent), au désarroi des agriculteurs aux abois, aux plaintes pour inceste. La misère sociale dans toute sa laideur.

Laurent est sur le point d’épouser Marie (Marie Julie Maille), avec lequel il a eu une petite fille déjà grande. A la maison, il ne pense plus aux enquêtes ni aux affres auxquelles il est quotidiennement confronté.

Albatros, l’accident et la tempête

Alors qu’il veut empêcher le suicide de Julien (Geoffroy Sery), un agriculteur acculé par les dettes, Laurent lui assène un tir mortel. Cette balle dans la jambe n’avait évidemment aucune visée funeste : il s’agissait d’éviter que Julien attente à ses jours. C’est pourtant dès lors vers de sombres jours que Laurent glisse inexorablement.

Incapable de faire face à sa vie d’avant, y compris sa famille, le gendarme décide alors de prendre le large.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
(…)
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
« L’albatros », Charles Baudelaire in Les Fleurs du mal

Albatros, le calme après la tempête

Dans cet exil en mer, on assiste à la survie puis la renaissance d’un homme rongé par la culpabilité qui décide de recommencer à vivre. Cette épopée que l’on vit comme un chemin de pénitence est d’une grande beauté mais aussi hautement symbolique.

Marie, sa femme tient bon quant à elle : de son propre aveu, Xavier Beauvois fait d’elle une Gardienne, cette femme forte et résiliante, capable d’attendre le retour de son homme au bercail alors qu’on sentait que le quotidien l’avait quelque peu éloignée de lui.

Albatros est un film initiatique : en une fraction de seconde, une erreur, une malchance, les conséquences sont immenses et une vie peut basculer. (Jérémie Rénier)