Daniel Auteuil s’est entouré d’une troupe hors pair pour remettre en selle et mettre en scène, aussi, ce classique de Molière. A ses côtés, Aurore Auteuil, dans le rôle de sa gouvernante à l’esprit solide et au caractère bien trempé alors que Victoire Bélézy joue sa fille, douce et attentive. Natalia Dontcheva incarne sa femme, plus intéressée par l’argent de son mari que par son amour, à la douce folie savoureuse. Alain Doutey, quant à lui, incarne son frère, la voix de la raison, celui qui le met en garde contre les excès de l’hypocondrie.
Un respect de l’oeuvre originale
Daniel Auteuil n’a pas pris de liberté à l’encontre du texte ou de la mise en scène. L’oeuvre de Molière est respectée au mot près. On nous met d’ailleurs dans le bain de ce langage du XVIIè siècle dès la scène d’ouverture : Argan (Auteuil père) compte l’argent que lui coûte ses soins (ou plutôt ses maladies imaginaires) et si cette entrée en matière peut sembler abrupte et de haut niveau, c’est pour mieux nous familiariser à la langue de cette époque. La mise en scène, quant à elle, est somme toute assez classique mais elle se met parfaitement au service de la pièce. Tout est rendu crédible et le spectateur peut ainsi s’immerger dans l’époque de Molière.
Une modernité et une liberté de jeu savoureuses
Malgré le respect du texte et le classique de la mise en scène, on jubile devant la modernité de la pièce. Pourquoi ? Car les problèmes dépeints sont contemporains, voire intemporels : la peur de mourir, la vanité des hommes, leur attrait pour l’argent… Autant de thèmes universels que ce génie de Molière avaient bien saisi. Pensait-il pour autant que 4 siècles plus tard, ces thèmes seraient encore d’une modernité folle ? Probablement. Quand on dépeint l’humain dans son essence, on touche forcément à l’universel, donc l’immuable.
Enfin, on ne peut s’empêcher de saluer le formidable jeu des comédiens qui contribuent à cette modernité. Daniel Auteuil en premier lieu. Ses réactions vives et emportées, son impressionnant dynamisme, tout son jeu contribue à insuffler une folle énergie à cette pièce. C’est précisément cette énergie fédératrice qui nous emporte avec son personnage. Si ce dernier est asservi à sa lubie hypocondriaque, l’acteur, lui, est plus libre que jamais.
Le personnage de la femme d’Argan, Natalia Dontcheva, surprend également par la douce folie qui s’en dégage : à la fois victime et bourreau, on aime la détester.
Mention spéciale à sa fille, Aurore Auteuil, qui détonne dans ce personnage haut en couleurs, qui ose dire ce qu’elle pense avec force clairvoyance. Ce rôle, qui nécessite une énergie folle, est à sa mesure : vive et généreuse.
Pari réussi pour cette pièce de troupe.
Jusqu'au 25 mai au Théâtre de Paris