Paul Schrader et Bret Easton Ellis : le duo au sommet
Le réalisateur de Taxi Driver et l’auteur d’American Psycho nous livrent un film qui a déjà beaucoup fait parler de lui, avant même sa sortie. Difficultés de financement (appel au crowdfunding), frasques à répétition de Lindsay Lohan… L’histoire autour de ce film, c’est un peu celle de la vie d’Adèle en France.
Toutefois, le résultat ne reflète (fort heureusement ) pas ces difficultés. Le rendu est prodigieux, malgré les critiques assassines. Le sujet est maîtrisé, tant est que la fin laissera le spectateur (volontairement) perplexe car toute l’intrigue est alors remise en question. Spectaculaire coup d’éclat, non ? Thriller oblige.
Un thriller parfaitement maîtrisé
Tous les codes du genre sont respectés. Le spectateur doute, il a peur. L’atmosphère est intrinsèquement inquiétante. On ne peut alors que se demander qui sont ces personnages. Quelles sont leurs perversions ? Sont-ils dangereux ?
Si le film ne donne pas toutes les réponses, il délivre néanmoins de précieuses clés pour comprendre la psyché parfois complexe de ses protagonistes. Tara, le personnage incarné par Lindsay Lohan, est un sorte de Maryline colagénée, aux cheveux roux et terriblement désenchantée. A la recherche d’une stabilité financière, elle est la compagne d’un (pseudo) réalisateur nanti, campé par James Deen, qui s’est illustré dans l’univers du porno jusqu’alors. D’une jalousie maladive et totalement irrationnelle, son personnage, Christian, met tout en oeuvre pour percer à jour la relation adultère de sa compagne. Cette quête obsessionnelle le conduira au pire.
Quid d’une starlette et d’un acteur porno ?
Le couple à l’écran formé par Lindsay Lohan et James Deen est déroutant. Ils semblent ne rien avoir à faire ensemble, mais uniquement pour les besoins du scénario. En réalité, leur complémentarité crève l’écran. La Madone déchue et le petit nerveux plein aux as. La poésie et la raison. L’air et le feu. Ensemble ils incarnent la relation dominé dominant dans ce qu’elle a de plus pervers, de plus pernicieux aussi. Ils se mentent, se font du mal. Ils couchent avec d’autres gens, ensemble. Pour autant, celui qui organise les parties fines est jaloux de celui qu’il ne fait que soupçonner.
Une esthétique forte et musicale
Rien n’est laissé au hasard dans ce film, et bien sûr, la photographie n’échappe pas à la règle. Entre les plans d’une Amérique tantôt délaissée, tantôt prisée, se dressent les personnages. Filmés avec force détail, on devine tous leurs contours, pour mieux les percer à jour. Pour contribuer à cette atmosphère angoissante, il fallait une musique appropriée. Le résultat est sans fausse note, et même éblouissant. La bande son est tout simplement sublime. Composée par Brendan Canning, elle est à l’image du film : puissante, parfois dérangeante mais toujours incisive. Car The Canyons, c’est ça aussi, être pris aux tripes.
The Canyons aborde le milieu du cinéma, dans ce qu’il a de plus perfide, mais aussi le désanchentement de ceux qui préfèrent les biens matériels à la passion. Mais le drame, selon Schrader, c’est que le cinéma est en voie de disparition (d’où les images de cinéma abandonnés, jalonnant tout le film comme des résurgences fantômes). Attention, quoi qu’on en dise, on est en présence d’un objet cinématographique rare. Et, surprise au casting, Gus Van Sant dans le rôle du psy !