Quatre ans après L’enlèvement de Michel Houellebecq, Guillaume Nicloux nous livre la suite de ce premier opus avec son Goncourt star en tête d’affiche, affiche qu’il partage avec Gérard Depardieu, autre monstre sacré s’il en est.
Une intrigue efficace
Même si on peut voir ce film sans avoir vu le premier volet, on perdra tout de même le plaisir de retrouver des personnages auxquels on s’est attaché (car L’enlèvement de Michel Houellebecq, c’est un peu comme voir un épisode de Striptease, ça ne ressemble pas à tout ce qu’on a déjà pu voir dans le cinéma français et c’est ce qu’on adore).
Le « plot » de Thalasso est donc le suivant : on retrouve les personnage phares du premier volet, Ginette et Dédé. Cette dernière l’a quitté sans laisser ni trace ni adresse ; son fils, Matthieu, accompagné de sa bande habituelle veut la retrouver.
Convaincu que Michel (Houellebecq) sait quelque chose, Matthieu entend bien le faire parler. Il va donc retrouver notre écrivain star en thalasso à Cabourg. Et là, le sketch commence : entre la cryothérapie qui s’apparente à de la torture par le froid, les massages qui lui déboitent la nuque et les repas où il n’y a rien à becqueter, ça ressemble davantage à ce qu’on peut voir dans les pays de l’Est que de la pure détente à la française.
Alors qu’il est au régime sans alcool et qu’évidement il n’a pas droit de fumer (et on sait que la cigarette est pour lui comme le prolongement de son doigt), Michel rencontre Gérard lors d’une expédition nicotine en catimini.
Tous deux, si différents mais partageant l’amour du vin, se retrouvent pour s’abreuver à l’abri des regards. C’est alors que commencent des discussions enivrées autour de rillettes (pratique à manger pour Michel qui n’a plus de dents du haut).
Des punchlines sans filtre
En tant que spectateur, on ne peut que se régaler de leurs conversations sans détours. Tout y passe : les femmes, la chirurgie (et pas nécessairement esthétique), les problèmes de santé des hommes de cet âge-là, la sexualité et notamment une discussion fort intéressante sur la pratique du 69…
Le personnage de Depardieu contribue à cette absence de filtre : ainsi on peut allègrement aborder les questions raciales, le sexe et la religion sans euphémisme. Enfin un film « qui en a » ! Evidemment, on adore ça et surtout dans la bouche de Gégé.
D’ailleurs, il est de bon ton de rappeler dans le générique de fin qu’en substance, les propos tenus ne reflètent pas forcément la pensée vraie de celui qui les a prononcés et que tout est de l’ordre de la fiction. En atteste la citation du dossier de presse :
«Si tout documentaire est une fiction, alors il faut brouiller les frontières afin de stimuler une autre forme de vérité. Mentir le plus sincèrement possible et dire la vérité la plus improbable.»
Une profonde réflexion sur la mort et la religion
Comme dans nombre des films de Nicloux, on y observe une réminiscence de Valley of Love : pas seulement parce que l’un de ses protagonistes est aussi celui de Thalasso, mais surtout par ce clin d’oeil de Gérard à une scène vécue dans le film dans lequel il partageait l’affiche avec Isabelle Huppert. La scène de la Grande Faucheuse, troublante à souhait.
Si les dialogues sont profonds, c’est autour des thèmes de la religion et de la mort (les deux très souvent associés) que le film revêt toute sa dimension mystique. On est nécessairement émus de voir Michel pleurer en évoquant le réincarnation de ses morts (en l’occurence sa grand-mère). Si Gérard n’y croit pas, on ne peut s’empêcher de songer à son mort à lui. Son fils dans Valley of Love, mais aussi, hélas, dans la vraie vie.
Enfin, la conclusion peut sembler complexe, mais sans doute fait-elle référence à une phrase clé du film qui éclaire ce qui peut sembler obscur. Tout est autour de la référence : entre mythe et réalité, entre monstre(s) (et) sacré(s).
En définitive, ce film dégage une grande grâce et la musique de Julien Doré y est pour beaucoup.