Pour son dernier film, le réalisateur français signe un portrait intéressant, celui de Maria Enders, savamment interprété par Juliette Binoche.
Sils Maria, le théâtre au cinéma
Maria Anders est une actrice connue et reconnue dans son art. Elle apprend la mort tragique de l’un de ses Pères, Melchior, l’auteur qui lui a donné sa chance au théâtre alors même qu’elle n’avait que 18 ans. Le rôle qui lui était alors confié, c’est celui de Sigrid, sylphide manipulatrice qui abusera de l’amour que lui portait sa supérieure, Hélèna. 20 ans plus tard, c’est le rôle de cette dernière qu’on lui propose de reprendre. Une décision pas simple à assumer du fait de la différence d’âge des deux protagonistes, 20 ans les sépare. L’âge, un paramètre qui parcourt tout le film : Maria aura bien des difficultés à admettre que ce soit une actrice de 30 ans de moins qu’elle qui s’empare du rôle de Sigrid (Chloë Grâce Moretz).
Ce qui peut sembler dégradant pour Maria peut tout autant l’être pour Valentine, son assistante (Kristen Stewart), qui, par sa fonction même, est sans cesse dans l’ombre de l’actrice. Pour autant, cette dernière semble à l’aise avec son rôle. Elle tutoie la star, lui donne sans cesse son point de vue, souvent en contradiction avec celui de Maria-décalage de génération oblige.
Sils Maria, entre fiction et réalité
Ce qui peut troubler le spectateur, c’est cette inexorable confusion entre la pièce du grand Melchior et la vie de Maria. La relation de dominante dominée pourrait s’appliquer dans la vie réelle : quand Val fait répéter son texte à Maria, elle lui donne sa propre interprétation de la scène et du personnage d’Helena. On sent Maria complètement dépendante affectivement de sa jeune et désirable assistante. Lorsqu’elles se retrouvent à Sils Maria pour répéter ensemble la pièce, elle est sans cesse avec elle. On la sent comme possédée par la beauté et la jeunesse de Valentine.
Enfin, cette dernière incarne quelque chose que Maria, toute star qu’elle soit, n’a plus : la jeunesse. Ce qui est passé ne reviendra jamais plus, et l’actrice en a parfaitement conscience. Parce qu’elle est jeune, Valentine se trouve dans cette posture sociale de l’assistante d’une grande actrice, mais celle-ci envie clairement sa fraîcheur.
Sils Maria et le star system
La toile de fond du film d’Olivier Assayas c’est avant tout les acteurs, dans tout ce qu’ils comportent de plus profond, de plus superficiel aussi. On nous donne à voir des artistes qui changent sans cesse de peau à tour de rôles, de coiffure, d’apparence en somme. Mais le réalisateur s’est appliqué à montrer une autre facette de ce star system, celui du Net. Le monde du cinéma n’a jamais été si affiché sur la Toile que depuis les frasques à répétition de Lindsay Lohan, personnage que Jo-Ann (Chloë Grâce Moretz) rappelle clairement. Entre liaisons interdites, gossips et déboires, les acteurs ne font plus parler d’eux pour leurs films mais bien davantage pour leurs excès. On sent la pointe de regret d’Assayas à ce sujet.
En somme, Sils Maria, c’est une oeuvre intéressante, dont la fin peut toutefois laisser à désirer par son manque de tension dramatique. Ceci étant, le voyage pour la Suisse en vaut la peine : la photographie est assez sublime et la musique, tout à fait adéquate. Si comme moi vous vous êtes ennuyé pendant l’Heure d’Eté, vous devriez davantage y trouver votre compte à travers Sils Maria.