Le déclin de la vie
Dans sa pièce, Florian Zeller aborde avec force justesse la lente dégénérescence, celle de la vieillesse. Ce rôle de vieux monsieur a été écrit et composé exclusivement pour Robert Hirsch, un monstre sacré du théâtre.
Robert Hirsch et Isabelle Gélinas forment un duo au jeu frôlant la perfection. Le spectateur ne peut que suivre ce père et sa fille dans leur rapport trouble
En lui proposant de s’installer chez elle et son mari, Anne n’imaginait pas que son père se montre si autoritaire et imprévisible. Les rôles étant comme inversés, il est devenu difficile au père d’obéir à sa fille. Se montrant tour à tour tyrannique et attendrissant, André devient une source de conflit intérieur pour sa fille, ainsi qu’un objet de discorde entre Anne et son mari. Hirsch peut incarner tous les rôles grâce aux subtilités de son jeu, il est capable de se mettre dans la peau du tyran et soudain, redevenir un enfant fragile. Tantôt dans son pyjama rayé, tantôt dans sa tenue de ville, il peut tout incarner, le fort, le faible; le père, l’enfant.
Une immersion totale
Ce qui rend cette pièce si émouvante c’est, à n’en pas douter, sa force psychologique. En nous plongeant dans la psychologie de son protagoniste, Zeller ne cesse de émouvoir. Le spectateur vit les mêmes évènements qu’André, le personnage principal; ainsi, il se trouve tout à tour hagard, agacé, perdu… Sans ce trait de génie, la pièce passerait sans doute à côté de son émotion.
Si cette pièce est si singulière c’est avant tout par la confusion que son auteur induit chez le spectateur; en mélangeant les personnages à l’envi, Florian Zeller souhaite semer le trouble parmi le public, et avant tout chez le personnage d’André. Le pari était osé, mais il fonctionne à merveille. En tant que spectateur, il faut cependant accepter qu’un élément de l’intrigue nous échappe, brouillant les codes de la narration et conférant ainsi à la pièce une saveur toute particulière.
Un puzzle narratif
Au même titre que la vie d’André souffre de vide(s), la pièce est volontairement bâtie sur des manques. De l’aveu de Florian Zeller, « C’est un puzzle auquel il manque toujours une pièce, sans qu’on sache quelle pièce exactement. » L’absence de la seconde fille, de l’épouse, confèrent à la pièce tout son tragique. André ne cesse de pleurer une fille invisible, alors qu’Anne, son autre fille, est bien présente.
Le trouble est lancé par les doubles des personnages, on ignore qui est qui; qui existe réellement et ce pourquoi ces doubles apparaissent. Là encore, inutile de chercher la réponse ailleurs que dans l’imagination du protagoniste : faire corps avec André, c’est accepter ses confusions et mieux vivre ses émotions.
La pièce est reprise au Théâtre Hebertot, à partir du 31 octobre. Vous pouvez réserver vos places ici.