Créé au théâtre de Suresnes puis présenté par le rond Point pour être repris au Théâtre de Paris, Open Space est un huis clos cruellement savoureux de Mathilda May, dans lequel elle met en scène des personnages aliénés par le travail.
Ils sont sept comédiens sur scène, sept personnages aux types bien définis. De la nymphomane lèche-bottes, en passant par l’alcoolique notoire, le schizophrène, le stakhanoviste sous coke, et les sous-fifres, le spectateur peut y retrouver ses collègues.
Open Space ou le prodige du sans parole
Aucun dialogue intelligible que des borborygmes … Par le talent de la mise en scène soit le truchement de chaque détail minutieusement millimétré, Mathilda May relève le défi de jeter le spectateur dans une déroute des plus savoureuses.
Pour cause, la pièce ne comporte que des borborygmes et repose essentiellement sur le comique de gestes. Parce que ce langage imaginaire est constitué de sons et d’inondations proches de ce que l’on connaît, on en devine alors tout le signifié. Délicieusement supris, on le demeure tout au long du spectacle.
Open Space ou une performance scénique déconcertante
Si la pièce est à ce point originale c’est sans doute par les chorégraphies impromptues et ô combien réussies de Mathilda May. Les comédiens entamant une danse endiablée dès lors que retentit la sonnerie du téléphone d’un collaborateur; une autre collègue fera un numéro de pôle danse en plein milieu du bureau, fantasmé par son patron. Le paroxysme de l’inattendu revient sans doute au tango entre le jeune cadre dynamique et le plombier sur le retour. Excentrique et tout bonnement exquis.
Chaque comedien habite son personnage à travers une présence scénique remarquable.
De plus, ce qui pourrait donner l’impression d’avoir été écrit en improvisation collective d’après les répétitions ne l’est pas : Mathilda May a pensé chaque détail, mis en scène le moindre des borborygmes entendu par le spectateur, le moindre mouvement perçu.
Open Space ou la solitude de l’homme moderne
Ainsi, chaque personnage s’adonne à ses propres activités, seul dans la collectivité. Le vivre ensemble n’a jamais subi pareille contrainte…excepté lors d’une télé réalité.
Du propre aveu de Mathilda May, « un open Space c’est avant tout un endroit où des gens se trouvent condamnés à vivre ensemble. Ils n’ont rien a voir les uns avec les autres, mais l’espace les contraint à cohabiter. »
C’est bien de cela dont il s’agit dans la pièce : la force inexorablement aliénante du travail, ce rouleau compresseur qui régit vos émotions, votre temps mais aussi une partie de votre vie sociale. L’otium, s’il était une valeur noble sous la Rome Antique, l’est beaucoup moins à notre époque culpabilisante. Ne pas travailler, dans l’imaginaire collectif, c’est s’aliéner. Or, la réalité que montre la pièce est tout autre : le travail accroît notre individualité car on ne saurait se forcer à s’interesser à l’ininteressant : nos collègues.
En somme, même si cette pièce nous fait passer un moment succulent, on émet une petite restriction : elle aurait pu compter un quart d’heure de moins. Enfin, les chansons composées et interprétées par Mathilda May auraient, elles aussi, pu être en paroles incompréhensibles… à moins qu’elles servent à exprimer l’inexprimable.
conception et mise en scène : Mathilda May
Stéphanie Barreau …………… la femme agaçante
Agathe Cemin …………………. la femme complexée
Gabriel Dermidjian………….. l’homme stressé
Loup-Denis Elion ……………. le jeune loup
Gil Galliot ………………………. l’homme extérieur
Emmanuel Jeantet …………… le doyen
Dédeine Volk-Léonovitch….. la business woman
production Arts Live Entertainment – Richard Caillat, coproduction Théâtre de Suresnes Jean Vilar, Théâtre de Paris, Théâtre du Gymnase / Marseille, Théâtre Anne de Bretagne / Vannes, coréalisation Théâtre du Rond-Point
4 sept. – 19 oct., 21:00
salle Renaud-Barrault
dimanche, 15:00
relâche les lundis et les 7 sept. , 16 sept. , 17 sept. et 18 sept.