L’amoureux du couple
Décidément Philippe Garrel aime explorer le sentiment amoureux, la jalousie, plus particulièrement. Déjà lors de son précédent film, Un été brûlant, il faisait de la relation entre les personnages Louis Garrel et Monica Belluci, l’essence de son oeuvre. Dans La Jalousie, on retrouve cette même fascination pour le couple. Idem pour Les amants réguliers, toujours avec son fils et Clotilde Hesme. Là où il semble constant, c’est dans sa prédilection à écrire puis filmer l’amour fou. Parce que la vie se joue de nous, ses amours sont souvent déchues.
La Jalousie n’échappe pas à la règle. Pour l’amour de Claudia (Anna Mouglalis), Louis quitte Clothilde, la mère de son amour de petite fille. Cette dernière est brillamment jouée par Olga Milshtein, repérée dans Un enfant de toi de Jacques Doillon. Elle et Louis ont une forte relation, à la fois tendre et complice, un père enfant pour une petite fille très mature, qui prend parfois des airs de copine de jeu.
Le dessinateur de la carte du Tendre
Philippe Garrel a une manière toute singulière de mettre en scène la relation entre Louis et Claudia. Ils semblent être dans une sorte d’osmose où la moindre journée de séparation est un fardeau. Pour autant, on ne peut pas parler de passion. Si les étreintes physiques sont constantes, le désir charnel ne semble émaner que très rarement de la part des protagonistes.
En revanche, l’interdit que représentent les autres leur confère un désir palpable. Ainsi sent-on naître une forte tension érotique entre Louis et une jeune femme dans un cinéma (interprétée par Mathilde Bisson), ne fût-ce que lorsque leurs doigts se sont frôlés. Même charge sensuelle durant le baiser que donne Louis à Lucie, sa jeune partenaire de théâtre. Quant à Claudia, elle est prise de fuites dans la nuit fulgurante(s), et l’on devine qu’elle cède à la tentation d’inconnu(s) rencontré(s) dans un bar.
Entre Eros et Thanatos
Si Louis et Claudia semblent vivre un amour fort mais paisible, il est clairement remis en cause par le quotidien, le matériel. L’actrice au chômage ne supporte plus l’appartement de son conjoint, mais n’a les moyens de vivre ailleurs. Elle subit son cadre de vie, et la relation va absorber cette déchéance qui la mènera à sa perte. Dès lors, une confusion s’installera entre la lassitude de sa vie monotone et la relation vécue avec celui qui la partage. Un fort ressentiment se dégagera à l’encontre de Louis qui fait pourtant tout pour elle, mais qui est du côté de la vie et non de ce désert inerte.
Comme dans son film précédent, la mort côtoie dangereusement l’amour, comme seule réponse à ses tourments. Fort heureusement, la vie reprend parfois ses droits.
Sur le plan esthétique, ce film est d’une beauté rare. Les plans sont à couper le souffle et la photographie est sublime. Le noir et le blanc couplé au talent du réalisateur n’y sont pas étrangers. La Jalousie est sélectionnée pour la 70ème édition de la Mostra de Venise.