Le réalisateur Frédéric Tellier s’est intéressé à un personnage fortement médiatisé dans les années 90, qui a secoué l’opinion publique et terrorisé les jeunes femmes : Guy Georges. Le film relate la traque et le procès du tueur de l’Est parisien, dans toute sa complexité mais aussi son absurdité.
Un thriller haletant
Le talent de Frédéric Tellier réside dans le fait de rendre le spectateur captif malgré la fin qu’on connaît tous ; le meurtrier s’appelle Guy Georges et il écope d’une réclusion à perpétuité assortie de 22 ans de sûreté. Tout l’intérêt du film réside dans la manière dont les enquêteurs « du 36 » comme ils disent, vont remonter jusqu’au prédateur. Qui plus est, on y voit de manière explicite les crimes perpétrés par le tueur de l’Est parisien. Non seulement on en connaît plus sur ses victimes mais elles prennent vie, ayant alors un visage, une histoire mais hélas pas de futur. Ce que le réalisateur s’est attaché à faire, c’est montrer toute la barbarie de Guy Georges. Entre les descriptions avec force détails et les photos des scènes de crimes à l’appui, on ne peut être qu’horrifié. Dernier point, le film soulève la question de la hiérarchie mais aussi de l’administration avec ce qu’elle représente de plus ankylosant : l’attribution des affaires circonscrites dans un périmètre bien défini, dont des enquêteurs aux sens aiguisés ne sauraient s’emparer.
Un parti pris narratif
La narration est très intéressante, car Fréderic Tellier met en parallèle le procès du criminel avec sa traque sans relâche. Bien sûr, dans un film comme celui-ci, il n’y aurait aucun intérêt à envisager une narration antéchronologique comme l’a déjà fait Ozon pour 5 fois 2. En revanche, l’approche choisie donne un point de vue éclairant sur les deux facettes de Guy Georges, que l’on voit tour à tour vulnérable et dangereux à son procès. Les actes ignobles perpétrés lorsqu’il sévissait dans l’Est parisien ne permettent aucun doute sur sa nature. C’est un prédateur, qui a tué et qui tuera encore si on lui en laisse la possibilité (comprenez, si on le relâche). Pour autant, le film permet de connaître le passé de Guy Georges, un passé douloureux, humiliant qui, à défaut de justifier ses crimes-car rien ne le pourra jamais, peut expliquer ce pourquoi on a cette haine en soi ; comme dirait Raphaël Personnaz, ce « pourquoi un soir, on devient un tueur ». Mais une fois encore, il est de ces choses inexplicables, car ôter la vie de manière intentionnelle ne devrait pas être.
Raphaël Personnaz saisissant
Olivier Gourmet, Michel Vuillermoz, Chloé Stefani sont tous trois très convaincants dans leur rôles respectifs, mais bien sûr celui qui crève l’écran, c’est le rôle principal : Raphaël Personnaz (déjà interviewé ici même). Il joue à merveille le jeune inspecteur qui a une intuition en or et qui traquera sans relâche le monstre. Il incarne très bien la détermination, le découragement, le regain d’espoir dès qu’une nouvelle piste se profile. On le voit dans sa vie privée, rongé par ses affaires plus sordides les unes que les autres, aux côtés d’une épouse qui l’épaule coûte que coûte. Le rôle de Personnaz prend tout son sens dans l’urgence, l’impatience, l’obstination et la foi en la justice, car il le sait, un jour le meurtrier payera pour toutes les atrocités faites à ses femmes innocentes.
En un mot, si ce n’est déjà fait, courrez-y.