Le dernier Ozon était attendu comme le Messie, Cannes oblige !
La traversée de l’adolescence
Dans Jeune et Jolie, tout participe à la compréhension globale du personnage d’Isabelle, remarquablement interprété par Marine Vacth. Compréhension ce mot a toute sa place lorsqu’on veut parler du dernier né d’Ozon : on peine à comprendre Isabelle, mais sans doute parce qu’elle même ne se comprend pas. C’est précisément ce chemin que l’on traverse avec elle : la quête de limites, de repères en somme.
Inutile de parler du propos du film : on le sait tous, Isabelle, jeune et jolie adolescente de 17 ans se prostitue. La différence en l’occurrence est qu’elle le fait non pas par nécessité mais bel et bien par envie, celle de se confronter à la chair, toujours pour repousser les frontières de la bienséance. Isabelle livre sa jeunesse, son corps et son innocence à de vieux hommes : oui et alors ? vous répondrait elle. Car on sent chez la jeune femme une appétence pour la chair qui va bien au delà de la simple transgression liée à l’adolescence. Isabelle aime le sexe, Isabelle est curieuse, Isabelle est jeune et jolie.
La prostitution comme un fantasme
Néanmoins ce qui peut prêter à débat dans ce film, c’est l’angle positif sous lequel est montrée la prostitution. Certes, c’est un parti pris. François Ozon prend celui d’envisager la prostitution sous le mode du fantasme. Ses propos à Cannes ont fait scandale : toutes les femmes auraient le désir inavoué-inavouable d’être pute. N’ayons pas peur des mots. Dans son film, cette trame de fond transparaît clairement. La jeune Isabelle ne tombe que sur de gentils clients, bien qu’ils pourraient avoir l’âge de son grand père. Nulle menace, nuls coups. Isabelle est une pute chanceuse !
En tant que spectateur, on se demande forcément quelles raisons peuvent expliquer ce comportement; le réalisateur nous donne quelques clés mais hélas ne les exploite pas suffisamment : absence du père (« Normal, c est mon père » répond la lycéenne quand on l’interroge sur ses rapports avec ce dernier), omniprésence des hommes plus âgés autour d’elle, à commencer par le compagnon de sa mère-Géraldine Pailhas bien connue des films de Ozon, compagnon interprété par un Frederic Pierrot incroyablement juste.
Une photographie sublime…tout en chansons
Sur la forme, le réalisateur nous livre des plans absolument sublimes, plein de poésie. À commencer par la scène sur la plage, nous figurant une déesse sublime, allongée sur le sable fin; son frère laisse courir l’ombre de sa main sur son corps à moitié nu. En tant que spectateur, on frôle la grâce à cet instant. De même qu’avec le plan ô combien suggestif du métro : la jeune Isabelle traversant le couloir, laissant derrière elle une bouche charnue et incandescente. Mythique.
De vieilles chansons françaises accompagnent la quête d’Absolu d’Isabelle : grâce à elles, on parvient mieux à comprendre l’état d’esprit de la jeune adolescente qu’elle est. Tout est question de saisons, du passage en somme. D’un état à l’autre, Isabelle devient une jeune femme, laissant derrière elle la petite fille. Le passage à l’acte, la première fois, est symbolique de cette petite morte. Isabelle se regarde abandonnée dans les bras d’un jeune Allemand, lui laissant sa virginité.
Dans son traitement cinématographique, François Ozon a su aborder le sujet de la prostitution avec force poésie et surtout, une grande dignité.
La prostitution est une drogue pour une jeune fille qui s’ennuie, tel pourrait être le propos du film de François Ozon et c’est, somme toute assez dangereux bien que délicieusement troublant.