Olivier Barthélémy, entre fascination et paradoxe : rencontre

Olivier Barthelemy

Les lettres de Lucie : Tu as 21 ans de carrière et 21 films, comment es-tu arrivé dans le cinéma ?

Olivier Barthélémy : Je travaillais déjà dans le cinéma puisque j’étais rippeur : je travaillais avec mon oncle qui était dans la déco et qui était ensemblier. J’ai ensuite revu Kim (Chapiron) et j’ai commencé à tourner pour Kourtrajmé avec qui j’ai tourné pas mal de films. J’ai rapidement compris que ça allait être mon tremplin car c’est ainsi que j’ai pu rencontrer plein d’autres gens, faire d’autres films, que ce soit en télé ou au cinéma : faire mon métier en somme. Je suis plus axé cinéma en revanche, mais je constate qu’aujourd’hui la télé a évolué. Je n’ai pas changé mon fusil d’épaule mais je trouve qu’il y a tellement de choses intéressantes en termes de séries à l’heure actuelle que ça devient quasiment aussi attractif que le cinéma, voire plus. Qui plus est, il y a beaucoup de gens d’un certain âge qui ne se déplacent plus au cinéma parce qu’ils considèrent que leur temps est compté ou qu’ils préfèrent d’autres sorties aux salles obscures. Je trouve qu’avec les séries, il y a cet avantage là, aussi.
(…)

Les lettres de Lucie : Tes rôles étaient plus ou moins sombres jusqu’alors, à part si on prend Discount qui était dans une ambiance « bon enfant » malgré le lourd sujet social. Est-ce que ça n’est qu’une impression ou c’est confirmé ?

Olivier Barthélémy : J’ai fait des films en effet assez trash ou alors dans lesquels je joue des rôles de mec très bourré (je cite). Mais là c’était parfait car pour la série « J’ai deux amours », je jouais un mélange d’apparence très brute et de délicatesse des sentiments. Ça me représente assez bien finalement car j’ai l’air dur mais au fond je suis quelqu’un de très doux. De plus, j’accepte ma part de féminité, je n’ai aucun problème avec ça ; j’arrive à jouer avec et voilà comment je pourrais expliquer le fait que j’ai des retours assez bons sur cette série. J’ai l’impression d’avoir réussi à toucher pas mal de gens avec ce rôle.

Olivier Barthelemy

Les lettres de Lucie : En effet, tu n’es jamais dans le cliché, prenons par exemple  « Notre jour viendra » de Romain Gavras : tu ne sembles pas dans le stéréotype, même si on se doute de ce que vous allez faire.

Olivier Barthélémy : Dans Notre jour viendra c’est différent car ce que je voulais faire est extrêmement fragile, le perso est bien plus perdu que dans J’ai deux amours. Dans cette série, on parle de quelqu’un qui est dans la vie active, assez droit et respectable, il a tracé sa route. C’est davantage au niveau sentimental qu’il est largué parce qu’il est amoureux de quelqu’un qui est en train de lui échapper.
Quand Clément (Michel) m’a appelé pour ce rôle je me suis dit « Ce mec est fort » parce que moi-même je ne pensais pas qu’on m’imaginerait dans ce rôle là (un boucher au cœur tendre). La délicatesse vient aussi de Clément car il a misé sur l’efficacité de ce sur quoi il a beaucoup travaillé à savoir le théâtre de boulevard. Il dirige avec force précision et réalisme. Et c’est pour ça que j’ai réussi à faire quelque chose de bien. Il ne m’a laissé aucune marge de manœuvre mais pour autant ça reste un partage : très rares sont les comédiens qui tournent en roue libre et sont très bons à l’écran. C’est quand le metteur en scène a capté qui était le comédien et qu’il arrive à sublimer ce qu’il fait que tout se joue. (note : son ami Vincent Cassel dit exactement la même chose à Claire Chazal dans « Entrée libre » pour la promo du dernier film de Xavier Dolan).

Olivier Barthelemy
Crédit photo : Valerie Archeno

Les lettres de Lucie :  C’était la 1ère fois que tu jouais quelqu’un d’homosexuel dans tes rôles ?

Olivier Barthélémy : On m’a dit « C’est drôle, on ne pensait pas te voir dans un rôle comme ça » . Alors que finalement être acteur c’est pouvoir se permettre de tout faire ou tout être à la fois.

Les lettres de Lucie :  Que penses-tu du fait que F. Vincentelli ait eu un rôle plus ou moins similaire dans Clara Sheller ? 

Olivier Barthélémy : Il y a des rôles similaires que j’ai pu jouer. On pense à toi pour ça ou l’histoire fait que c’est bien pour toi de rester dans cette veine de personnages parce que tu sais comment ça fonctionne, qui plus est c’est bien pour toi de l’incarner. Ce n’est d’ailleurs pas dérangeant parce que ça peut toucher certaines classes sociales, d’autres projets vont tout naturellement être vus par des gens qui ne savent pas ce que tu as fait précédemment Aujourd’hui il y a un grand  nombre de films qui sortent chaque semaine, il en va de même pour les séries donc quand tu as 20 ans de carrière, il y a un moment où tu es nécessairement obligé de jouer des rôles plus ou similaires à ce que tu as pu incarner par le passé.

Les lettres de Lucie :   Et puisque c’est le thème majeur de « J’ai deux amours », qu’est ce que tu penses du polyamour ?

Olivier Barthélémy : Moi ça ne me dérange pas du tout, tu peux être amoureux de plusieurs personnes en même temps. Cela étant, je trouve que c’est déjà compliqué à deux donc à trois ou quatre… !! Malheureusement, il faut concéder que si tu aimes une personne tu peux en aimer deux. Il y a plein d’hommes mariés qui aiment leur femme mais aussi leur maîtresse, c’est monnaie courante. De la même manière, combien de femmes ont un mari et un amant ? Evidemment, tu peux te dire qu’elles ne recherchent pas la même chose avec leur mari qu’avec leur amant : elles peuvent chercher quelque chose de très psychique avec leur mari et de plus charnel avec leur amant, même si parfois c’est l’inverse (et plus souvent le cas). Les gens qui te diront que ça fait 20 ans qu’ils vivent ensemble et qu’ils ne se lassent pas, c’est sans doute l’exception qui confirme la règle.

(Les lettres de) Lucie : Le modèle Dutronc/Hardy je suis convaincue que ça peut convenir à pas mal de gens

Les lettres de Lucie :  Ce qui est intéressant dans la série c’est que c’est un polyamour pansexuel…

Olivier Barthélémy : En effet ce n’est quasiment pas abordé par ailleurs, c’est pour ça que ça plaît aussi… Les thématiques qui soulèvent sont assez intellectuelles aussi (l’un des auteurs est journaliste aux Inrocks et il est passionné de séries). Je trouve que ça mériterait une saison 2 pour que le phénomène s’amplifie même si ce n’est pas le style d’Arte de « remettre le couvert ».

Les lettres de Lucie : D’un point de vue scénaristique, l’intrigue supporterait tout à fait une saison 2, ce qu’on a déjà beaucoup vu dans les créations originales de Canal par exemple…

Les lettres de Lucie :  Quels sont tes projets à venir ?

Olivier Barthélémy : Je joue dans un film où je partage l’affiche avec Ahmed Sylla et Jean Pierre Darroussin, les beaux esprits, un film de Vianney Lebasque qui avait fait « les grands » pour OCS et les petits princes au cinéma; Ça triste d’une escroquerie, des gens qui se sont fiât passer pour des déficients mentaux aux jeux paralympiques de basket et qui les ont remportés C’est une très belle histoire axée sur la comédie mais pas que; on a tourné avec deux déficients mentaux qui sont acteurs avant de l’être et s’avèrent de très très bons acteurs. Il sont pris la décision de le sortir le 7 novembre, je ne l’ai pas encore vu mais je pense que c’est très réussi. Et je prépare un autre film qui s’appelle « crocs », j’ai tourné le moyen métrage et on prépare le long métrage duquel je suis la vedette. C’est réalisé par Sébastien Vanicek, ils sont déjà en train de travailler sur le scénario du long métrage, axé autour du thème des combats de chiens, chose qui est complètement interdit. Le sujet c’est le spécisme (dédicace à Aymeric Caron). 

Vous pouvez retrouver J’ai deux amours sur Arte TV ou encore sur iTunes.

Et sinon, Olivier Barthélémy c’est ça aussi : 

 

Share