Les lettres de Lucie : Benjamin, tu es à l’affiche de « Rupture pour tous », comment es-tu arrivé sur le projet et que penses-tu de la démarche de l’agence love is dead ? (comme le nom du film l’indique, on paye des gens pour rompre à sa place).
Benjamin Lavernhe : J’ai reçu le casting et ce qui m’a plu au delà du concept, c’est que le personnage était très dessiné dans sa syntaxe, sa manière de s’exprimer. Son humour anglais me donnaient envie de jouer le personnage. J’avais envie de me mettre les mots en bouche, de lire les répliques à voix haute en lisant le scénario. Je trouvais qu’il y avait vraiment quelque chose de très intéressant pour un acteur vis à vis de la comédie.
Le challenge était de faire sonner ses phrases. C’était assez écrit et il y avait quelque chose de proche du théâtre qui me plaisait beaucoup dans ses répliques, c’est ce qui m’a attiré en premier lieu. (…)
Je trouvais ça bien écrit, bien équilibré et drôle et ça c’est assez rare quand on lit un scénario donc ça m’a donné envie d’aller plus loin.Quant à ta question sur le concept, en France ce type d’agence n’existe pas et toute la question était de le rendre crédible même si ça doit sans doute courir aux USA. Mais moi en effet je ne pourrais pas laisser quelqu’un s’occuper de mes histoires même si une rupture n’est jamais vraiment simple. Quoi qu’il en soit, ça donne à sourire et à réfléchir, au vu des sites qui existent du type Gleeden (rencontres extra conjuguales).
Les lettres de Lucie : Vous avez changé de titre, à l’origine ça devait s’appeler « love is dead »…
Benjamin Lavernhe : En effet ça devait s’appeler « love is dead » et on en a changé pour une histoire de distribution, selon laquelle un titre anglais ne marche pas autant qu’un titre français en France. Et puis, et surtout, ça sortait au moment des commémorations des attentats (date de sortie le 23 novembre) et on a pas besoin de ça aujourd’hui.
Pour le titre actuel, l’humour est peut être plus efficace même si tout cela a trait aux goûts et couleurs de chacun, le choix se faisant parmi une quinzaine de titres.
Les lettres de Lucie : Ce film est sensiblement différent du « Goût des merveilles » (avec Virginie Efira), cette diversité, est-ce ce que tu préfères par dessus tout dans le métier ?
Benjamin Lavernhe : En tous cas je trouve que c’est très agréable de me transformer d’un rôle à l’autre et d’ailleurs, j’étais très content que le réalisateur Etic Capitaine m’ait choisi pour »Rupture pour tous » alors qu’il ne m’avait pas vu dans « Le goût des merveilles » mais dans « Radiostars » ou d’autres films, où je fais des rôles un peu décalés, pas forcément séduisants. ll a vu que je pouvais jouer autre chose et c’est très agréable car il y a tellement de directeurs de castings qui te choisissent pour les rôles que tu as joué dans les films précédents, c’est toute la question de l’emploi. J’ai échappé à cela pour l’instant et m’en sens très heureux. Les personnages très différents sont intéressants à jouer car on se sert de notre trac alors que le personnage de rupture pour tous pourrait être plus proche de moi parce qu’il est plus normal je dirais que le rôle de Smitters ou celui du « Goût des merveilles » (l’un était original et l’autre, souffrait du syndrome d’Asperger). Il faut être sur de soi avoir une sorte d’assurance, d’ironie, de décontraction propre au personnage qui n’est pas forcément facile à faire transparaître à l’écran. Donc oui, ce challenge d’incarner des personnages pas forcément proches de moi m’a beaucoup plu car il faut les travailler et les construire. (…)
En France souvent contrairement aux USA, on vous prend pour ce que vous dégagez naturellement dans la vie. Il n’y a pas forcément ce travail qu’on peut avoir au théâtre, par exemple, ou dans la culture américaine.
LDL : En France j’ai l’impression qu’on est beaucoup plus catégorisés, un comédien qui a commencé à la télé sauf exception (Jean Dujardin) aura plus de mal à jouer au cinéma pour des rôles importants.
Benjamin Lavernhe : J’ai l’impression que ça s’atténue peu à peu mais il est vrai qu’il faut faire attention sans pour autant se lancer dans de grandes stratégies ou plans de carrière. En effet il y a une sorte de snobisme entre la télé et le cinéma liée à l’image, au glamour. Mais cela existe moins par rapport aux séries telles que les créations Canal plus que pour les séries comme « Plus belle la vie » ou celles de TF1 ; je crois que les acteurs ont du mal à intégrer d’autres cercles alors qu’ils ont ça sur leur CV. Ce qui est assez cruel car il y a des acteurs brillants a la Tv.
Et la on s’apercoit qu’on a fait la même formation à Assas (en communication et médias)
BL : (…) J’ai pu faire le Cours Florent en même temps que ce Master car il n’y avait pas beaucoup d’heures de cours.(…)
Je n’ai pas poursuivi ensuite car il fallait se spécialiser dans les sondages ou les mesures d’audience et plus j’allais au Cours Florent plus ça me plaisait. On m’encourageait dans cette voie. (…)
Au début j’étais assez frileux d’aller faire une école payante a Paris j’attendais d’être réellement sûr. C’est comme en amour si on attendait d’être sûr, on ne ferait jamais rien.
LDL : Tu as intégré la Comédie Française en 2012, quelle(s) pièce(s) t’a ou t’ont le plus marqué jusqu’alors ?
BL : J’ai la chance de faire des choses très différentes. Mon premier grand rôle c’était Cléante dans « Le malade imaginaire », qui s’est joué douze fois par 6 comédiens différents dans une même mise en scène par Claude Stratz. C’est un rôle assez vertigineux (…) où on a une longue tirade qui est vraiment effrayante à jouer, c’est le grand saut à chaque représentation : un monologue devant 800 personnes. (…)
L’autre rôle c’est Hippolyte dans Phèdre un rôle que j’avais travailler au cours Florent et c’était impressionnant de pouvoir le jouer en entier. D’ailleurs je remplaçais Pierre Niney que j’ai ensuite remplacé dans « le chapeau de paille » pendant deux ans et c’est LE rôle que j’ai préféré, car il s’agit d’un vaudeville en musique et c’est vraiment jouissif à traverser. Tu sues de toute ton eau, certes, mais c’est l’éclate absolue !
LDL : Belle transition ! Comme Laurent Lafitte et Pierre Niney, tu tournes de plus en plus pour le cinéma, à la différence de Pierre, tu es encore à la Comédie Française, est-ce que ça participe à ton équilibre ?
J’en suis sûr, mais tout comme pour Pierre (Niney), je suis certain qu’il fera de nouveau du théâtre.Le cinéma c’est une manière très particulière de faire son métier, on attend énormément. Ça peut être assez laborieux même si c’est génial car on ne peut pas forcément avoir les mêmes moyens au théâtre. Puis ça peut être une vraie respiration pour s’éloigner un peu de la Comédie Française où l’on passe notre vie. Parfois j’ai eu la chance de pouvoir tourner l’été et de ne pas être mis en faux par rapport à l’institution dont est censés pouvoir honorer le programme -très chargé qui plus est. Pour l’instant j’ai trouvé un équilibre fragile entre les deux même si ça fait peur parfois de ne pas pouvoir dire oui à des projets de cinéma : c’est un cercle très fermé dont on peut s’éloigner très facilement mais (…) j‘ai l’intention de rester quelques années à la Comédie française. Je suis prêt à refuser des projets ciné qui ne me convaincront pas complètement même si l’exposition est plus importante. Je sais aussi que la Comédie française me protège car je ne suis pas exposé pour des projets que je n’assumerais pas complètement, c’est une sorte de refuge. J’ai bien conscience que c’est un luxe.
LDL : Tes futurs projets ?
BL : J’ai tourné avec Olivier Nakache et Eric Toledano pour leur prochain film (Intouchables) qui sortira en 2017, c’est une comédie chorale sur les coulisses d’une entreprise organisatrice de mariages et le chef est joué par Bacri. Je joue le marié qui va épouser Judith Chemla. Côté théâtre, on part en tournée pour Lucrèce Borgia (Guillaume Galienne sera remplacé par Elsa Lepoivre).
NB : Pour des raisons obscures de distribution, vous aurez hélas du mal à voir « Rupture pour tous » en salles, puisse t il avoir une longue vie en VOD !