Tout quitter puis tout découvrir
Dans ce film aux allures de récit initiatique, Teddy (Raphaël Personnaz, précedemment interviewé ici) incarne un jeune homme las de la vie moderne, en quête de sensations épurées. En quittant tout pour mener une vie d’ascèse sur le lac Baikal dans le froid sibérien, c’est un rêve qu’il réalise. Avec ce pari fou, notre protagoniste souhaite « savoir s’il a un monde intérieur » ; quel ne fut pas son bonheur quand il réalise que c’est le cas, loin de tout et au bout du monde. Ses heures sont enfin appréciées à leur juste valeur, le temps ne file plus comme dans nos sociétés contemporaines, le temps se vit, se ressent lentement. Totalement à la merci de la nature, le jeune Teddy apprendra à la défier quand elle sera son ennemie mais surtout, à apprivoiser sa beauté (pour citer Jean Louis Murat, à qui ce film plairait sûrement).
Un voyage éblouissant
Ce que nous propose Safy Nebbou en adoptant le roman éponyme de Sylvain Tesson, c’est un véritable périple dans le froid, la beauté, la pureté. Aidé de son directeur de la photographie, Gilles Porte, il nous livre des images absolument sublimes. Pari osé que de prendre a priori pour unique personnage celui de Teddy. En réalité on s’aperçoit très vite que la nature est un personnage à part entière et que le duo formé avec Raphaël Personnaz, qu’on ne se lasse pas de regarder, fonctionne à merveille. Loin d’être purement contemplatif, le film réussit à nous embarquer dans une épopée « d’un an, dans l’église des Taïga, un comme une vie ».
Une quête infinie de liberté
« Ne désirer pas plus que ce qu’on éprouve« , voici une des clés de la liberté si on en croit les multiples écrits sur le désir. Aliénant, obsédant, pour certains ils nous priveraient de liberté. En éprouvant davantage de besoins que de désir, Teddy s’est affranchi des passions dévastatrices qui mettent à mal la liberté et précisément celle qu’il recherche en Sibérie.
« Je suis libre parce que les jours le sont. » En quittant tout pour vivre de ses besoins et de lecture, le personnage principal incarné par Raphaël Personnaz se paye le luxe de n’être plus soumis aux obligations du monde contemporain. Ce que certains pourraient considérer comme un retour en arrière est surtout un retour aux sources, une plongée en soi. D’ailleurs, ce film n’est pas sans rappeler ‘L’homme qui voulait vivre sa vie », autre adaptation (cette fois, celle de Douglas Kennedy), réalisé paer Eric Lartigau. A l’issue du film, on n’a qu’une envie : tout quitter nous aussi et trouver notre Moi profond. Néanmoins, une telle décision demande un courage qu’on n’est pas tous certains de pouvoir trouver en soi.
Ce film est une ode à la liberté, à la vie intérieure. Malgré quelques longueurs, Safy Nebbou réussit un pari osé : celui de rendre l’intrigue attractive, sans nous plonger dans une ennui abyssal, ce qu’on pourrait craindre vu la dimension contemplative du film. Au contraire, en nous proposant des images à couper le souffle magnifiées par une bande annonce portée d’une main de maître par Ibrahim Maalouf, le réalisateur ne peut que nous ravir. Raphaël Personnaz livre une performance d’acteur incroyable, et sans doute, l’un des plus beaux rôles de sa carrière.
Sortie le 15 juin.
Avant premières au MK2 Odéon le 13/06 et à l’UGC Ciné Cité Les Halles le 14/6 (en présence de l’équipe)