Comme il était audacieux d’amener Sade sur les planches, Pierre-Alain Leleu et Nicolas Briançon l’ont fait et le résultat est à la hauteur.
Cette pièce nous éclaire sur les pensées de Sade, qu’il s’agisse de religion, de sexe ou encore de métaphysique. Son auteur, qui incarne Sade à la perfection, nous séduit par sa présence et sa prestance. Le marquis n’a jamais aussi bien porté le pantalon en cuir…
L’intrigue prend place à la Bastille, après le transfert de Sade depuis la prison de Vincennes. Dans ce huit clos avec pour seul décor la prison, le captif parvient à s’évader…par le seul biais de son imagination. C’est ainsi qu’il se figure une jeune femme sublime, à la beauté incomparable, incarnant la féminité à elle seule. Cette inconnue est sans complaisance avec lui, elle le pousse dans ses retranchements et le met face à ses crimes : serait-elle sa conscience ? Sans doute un peu… Autre produit de son imagination, une homme sous les traits d’une nonne portant des bas. Cette incarnation de Dieu tente de le ramener dans le droit chemin…en vain, c’est peine perdue. Sade ne fait qu’une bouchée de ce suppôt de Dieu.
Au delà de la provocation naturelle du personnage, l’auteur met l’accent sur la philosophie du marquis. Si l’athéisme et un goût très prononcé pour le sexe étaient connus de la plupart, sa lubie des chiffres en revanche était beaucoup moins mise en avant. Bien que le protagoniste aborde souvent la question du sexe, cette pièce n’est pas aussi sulfureuse qu’on pourrait le penser. Seule une scène de sodomie prodigieusement interprétée vient surprendre le spectateur, mais elle est vue sous un angle comique, plus qu’érotique. De même, cette pièce ne saura être fidèle à son sujet si on ne nous livrait pas quelques passages des ouvrages du marquis… Ainsi pouvons-nous entendre un extrait des Cent Vingt Journées de Sodome, lecture particulièrement éprouvante pour les âmes sensibles car son auteur s’attache à dépeindre avec force détails les supplices qu’il fera subir à ses victimes. On a rarement entendu pareille cruauté… pour notre plus grand bonheur.
DAF Marquis de Sade se joue encore pour deux représentations au très confortable Ciné 13, 1 avenue Junot dans le 18ème. Précipitez-vous !